Loi ALUR



L'article 47 de la loi ALUR
Texte de Pierre Levy, membre de la Coordin’action Nationale des Associations de l’Habitat Participatif (et son représentant au comité de coopération du projet Oasis)


« Oui, les temps changent pour l’Habitat Participatif. Nos concitoyens sont sensibles aux alternatives que vous portez. Les collectivités s’intéressent à vos projets et s’engagent. Le relais des institutionnels a commencé et le soutien de la Ministre est assuré. L’habitat participatif va enfin pouvoir être à la hauteur de son ambition, celle de représenter une troisième voie pour le logement. Vous êtes maintenant une force de proposition légitime et efficace. (…) L’Habitat Participatif n’est pas une utopie, son potentiel est désormais réel, il est à un moment clé de son histoire. Si nous voulons en faire un mode de production du logement à part entière, nous devons donner à ce secteur une légitimité législative et réglementaire. (…) J’ai lancé une démarche de concertation, visant à émettre des propositions concrètes, pour alimenter la grande loi logement dont un chapitre sera consacré aux nouvelles formes de propriété et à l’habitat participatif. Ce n’est qu’en travaillant ensemble que nous parviendrons à en faire une loi forte, une loi solide ».

Cécile DUFLOT, Ministre du Logement, 16 oct 2012, discours d’ouverture des Rencontres nationales de l'habitat participatif de Grenoble.



Ce n’est pas un hasard si la Coordin’action Nationale des Associations de l’Habitat Participatif, qui organise alors ses deuxièmes Rencontres Nationales, reçoit la primeur de l’annonce par la Ministre du Logement de la prochaine introduction d’un chapitre concernant les sociétés d’habitat participatif dans la Loi ALUR. Ce n’est pas un hasard si les associations d’habitants sont invitées par le Ministère à participer à la concertation pour élaborer cette partie de la Loi ALUR. Et elles joueront leur rôle car en la matière, l’expertise est vraiment citoyenne : du côté des habitants qui expérimentent depuis déjà plusieurs années une grande variété de montages juridiques pour développer les nombreux projets d’habitat groupés qui se multiplient en France depuis le milieu des années 2000. Ces expériences ont donné lieu à des projets aussi expérimentaux qu’emblématiques, comme la SCIA d’autopromotion Ecologis Strasbourg (inaugurée en 2010) ou la Coopérative d’Habitants le Village Vertical à Villeurbanne (inaugurée en 2013).


Au terme de cette concertation où la mobilisation habitante portée par la Coordin’action a donné lieu à une effervescence comme ce mouvement n’en avait pas encore connu, la loi ALUR est votée le 24 mars 2014 créant dans son article 47 les Sociétés d’Habitat Participatif. Celui-ci est définit comme « une démarche citoyenne qui permet à des personnes physiques de s'associer, le cas échéant avec des personnes morales, afin de participer à la définition et à la conception de leurs logements et des espaces destinés à un usage commun, de construire ou d'acquérir un ou plusieurs immeubles destines à leur habitation et, le cas échéant, d'assurer la gestion ultérieure des immeubles construits ou acquis ».


A la demande des associations, et alors que dans une première version le Ministère ne prévoyait qu’un seul statut, cette société est déclinée en deux versions : les Coopératives d’Habitants et les Sociétés d’Autopromotion et d’Attribution (SAA). Pourquoi cette demande ?


L’association Habicoop qui s’est constituée en 2006 autour de la promotion des Coopératives d’Habitants s’est la première emparée de ce sujet juridique, stratégique pour permettre de créer une nouvelle forme de propriété collective entre la propriété individuelle et la location. L’enjeu : privilégier la valeur d’usage à la valeur du marché en proposant un statut basé sur la coopération et la non spéculation. Et ce faisant, faire reconnaitre dans le droit français un nouveau rapport à la propriété, défini dans la loi ALUR à travers le contrat coopératif, qui lie intrinsèquement la qualité de coopérateur – sociétaire (= détenteurs de parts sociales de la coopérative) à celle d’occupant – ‘locataire’ (l’occupation se fait en jouissance en échange d’une redevance coopérative sur des bases très proches de celles du contrat de location).


La loi ALUR permet également d’intégrer un organisme HLM dans la Coopérative d’Habitants afin de répondre à l’exigence de mixité sociale, ce qui restait complexe dans les expériences antérieures telles celles développées par le Village Vertical avec la Coopérative HLM Rhône Saône Habitat. L’enjeu de la loi ALUR, pour les coopératives d’habitants, est donc bien de dépasser l’ingénieux bricolage one shot, pour permettre la reproductibilité d’un montage juridique stabilisé et sécurisé, offrant des possibilités inédites en France de limitation de la propriété privée.


A côté des coopératives, d’autres expériences se développent mettant moins l’accent sur le rapport à la propriété que sur la volonté de replacer les habitants au cœur du processus de conception et de construction des logements. Pour développer ce type de projets, on a besoin d’une société permettant de rassembler des financements individuels pour gérer de façon collective l’acquisition du terrain et le chantier de construction. La solution juridique est trouvée à travers les sociétés d’attributions (SCIA et SCCC), qui permettent de faire correspondre les parts sociales détenues par les habitants avec leur lot d’habitation. Lorsque le chantier est livré, cette société permet d’attribuer les logements aux habitants, ceux-ci ayant apporté une contribution financière correspondant exactement à la valeur de leur habitation. Cette attribution peut se faire soit en pleine propriété (la société d’attribution est alors dissoute), soit en jouissance, ce qui permet de maintenir une structure de gestion commune.


Mais malgré l’adaptation de ce type de société à la logique de l’autopromotion, les projets montés sur ce modèle buttent de façon récurrente sur la difficulté à trouver un notaire acceptant d’en rédiger les statuts ou sur le refus des banques d’accorder les prêts nécessaires à la souscription des parts par les futurs habitants. Par ailleurs, la possibilité d’attribution en jouissance, si elle est la mieux adaptée à l’habitat participatif, est jugée instable (car il n’est pas possible de refuser une attribution en pleine propriété dès lors qu’un habitant en fait la demande) et non adaptée au système de cautionnement hypothécaire conditionnant les prêts bancaires, ce qui conduit presque systématiquement à une attribution en propriété avec le risque que ce retour à un schéma classique plus individualiste ne conduise à perdre l’esprit initial.


La création des SAA par la loi ALUR, qui reprend en l’adaptant légèrement le principe des sociétés d’attribution (d’où son nom de Société d’Autopromotion et d’Attribution), doit permettre la reconnaissance de l’autopromotion par les notaires, les banques, les assurances… et de façon générale par tous les acteurs du logement. Les améliorations apportées permettent de réaffirmer l’intérêt de l’attribution en jouissance et de la rendre plus stable dans le temps tout en ouvrant la possibilité nouvelle de prendre les décisions par un vote coopératif. Par ailleurs, en réservant ce type de sociétés à la résidence principale et à la gestion d’espaces partagés, la loi ALUR bloque les possibilités de récupération de ce statut par la promotion immobilière. Enfin, comme pour les Coopératives d’habitants, elle ouvre la possibilité pour des organismes HLM d’entrer dans ces SAA afin de permettre la coexistence au sein du même habitat de logements en accession (ou en jouissance) et de logements en location sociale, ce qu’il était très difficile de réaliser auparavant.

Table des matières

  • Ecolline
  • Ressources supplémentaires
  • Conception et organisation d'un chantier
  • Gestion de projet